Un dernier petit article à l’arrache avant d’aller dire mes adieux à Nancy. Pensez à moi pendant quand je passerai au grill jeudi matin :p Je continue sur les mangas, ça m’évitera de m’emmerder avec les captures au moins (ça prend du temps mine de rien). Toujours des séries plus ou moins courtes, on va de quatre à un unique volume. On commencera dans la parodie noire avec Ludwig Revolution pour ensuite virer dans le mystique avec Witches. Qui dit mystique dit aussi secte, le sujet sera également abordé avec Believers. Viendront ensuite King of Wolves et Japan, une paire de séries courtes de Miura et Buronson sur le voyage dans le temps. A revolutionist in the afternoon suivra, pour terminer sur du glauque avec Jisatsu Club. Pas un lot des plus joyeux.
Ludwig Revolution (1-4/4)
Eh ouais, moi aussi je lit des shojos des fois. J’étais pourtant pas spécialement attiré par le style de Kaori Yuki mais Kao-chan a réussi à m’intéresser à cette série. C’est sûrement la perspective de voir les contes de Grimm sous un nouveau jour qui m’a décidé à tenter ma chance.
Et wouah, pour un nouveau jour j’ai connu pire. Comme toujours je ne m’étais absolument pas renseigné, je fonce donc tête baissée pour tomber sur une parodie de conte de fée à la sauce goth. Le manga part sur les chapeaux des roues en nous présentant notre héros, un prince mammophile et amoral (Psykos, on t’a reconnu !) au look tiré tout droit d’un groupe de visual kei. Son père décide un jour que ça va bien d’empailler toutes les belles filles du royaume mais qu’il va peut-être falloir songer à se trouver une épouse. Suivi de son valet désespérément dévoué, bienveillant et un peu niais sur les bords, le voila donc partant à l’aventure pour trouver un princesse à épouser, de préférence avec des gros seins.
La série garde pour la majeur partie un rythme épisodique, où chaque chapitre présente un nouveau conte à cette sauce très particulière. On rencontrera en vrac une Blanche Neige manipulatrice (et cannibale !), un petit chaperon rouge tueur à gage, une méchante sorcière masochiste qui se ballade en tenue de soubrette, un prince charmant otaku et bien d’autres encore. La parodie fonctionne généralement très bien, Kaori Yuki trouve juste le ton adéquate pour violer notre enfance de la façon la plus délicieuse possible. C’est qu’on en redemanderait !
J’aurais quand même un bémol à poser sur le dernier tome. Après trois volumes de pérégrinations, notre prince charmant décide de rentrer, et la trame commence tout d’un coup à gagner en lourdeur. On sent que l’auteur cherche à joindre les deux bouts et à offrir une conclusion. Mais la réalisation est un peu maladroite, on quitte à moitié la parodie, les évènements se succèdent n’importe comment. Pour tout dire ça vire carrément à la foire alors que chaque personnage arrive pour déballer son sac et y aller de son grain de sel pour vaincre la sorcière. Le dernier chapitre tombe encore plus bas avec une histoire dont on aurait très bien pu se passer et qui sent les prolongations pour arriver au quota de quatre chapitres par volume.
Le tableau reste toutefois suffisamment convaincant pour me laisser une impression très positive. La série est courte, se lit très facilement, et vous apprendra peut-être même des nouveaux contes ou des subtilités sur ceux que vous connaissiez déjà.
Witches (1-2/2)
Majo, ou Witches, est une série courte que j’ai essayé un peu au pif. Dernièrement, je dois dire que je récupère un peu tout ce qui a marqué seinen dessus ^_^;. Et c’est pas ce que je lit jusque là qui va me faire changer d’avis, je pense.
Surprise surprise, cette série parle de… sorcières. Mais pas la sorcière de conte de fée, aussi bien le cliché que celles qu’on vient de voir dans Ludwig. Ni celle des légendes d’heroic fantasy. Le ton est ici bien différent et parle de celles qu’on pourrait très bien croiser dans la rue, plus orienté vers le mysticisme que vers le sens grandiloquent du terme. Mais ce manga ne s’arrête pas là et pousse l’originalité un peu plus loin en nous présentant la magie à travers le monde. Asie, Amérique du sud, Europe, Moyen-Orient, les histoires dissociées les unes des autres nous entraînent aux quatre coins du globe pour nous présenter à chaque fois un point de vue différent sur le sujet.
Même si ces histoires n’ont aucun lien entre elles, on peut distinguer des thématiques qu’on retrouve de l’une à l’autre. Une des plus récurrente est le gouffre entre les traditions et la modernité. Cette lutte prend à chaque fois une forme différente. Une fois il s’agira d’un choc de culture, une autre du pouvoir moins subtil de l’économie. La troisième brouille les pistes en ajoutant à son registre le conflit entre les croyances animistes locales et les grandes religions monothéistes. Un point déjà présent entre les lignes dans la première mais laissé de côté comme un élément du contexte plus qu’une vraie part du récit.
La dernière, qui revient au Japon, tranche nettement avec les autres. Il n’y a ici pas de trace de vraie sorcière, le personnage remplissant ce rôle n’a strictement rien à voir avec le sens qu’on placerait d’habitude dans le mot. “Guide” est le mieux que je pourrais trouver pour la qualifier. Pas de conflit, le thème s’oriente plus vers un parcours initiatique qui permettra à l’héroïne de se découvrir. Et se terminera sur un dilemme très biblique, sans toutefois verser dans le dramatique ou le pessimisme.
Un recueil donc très agréable, une bouffée d’air frais entre toutes les analyses centrées sur les vices et problèmes de la société japonaise. Les histoires se suivent, ne se ressemblent pas, ménagent un peu de suspens, quelques surprises et manient adroitement les points de vue de leurs différents protagonistes. J’aime aussi leurs conclusions douces-amères. Jamais tout à fait pessimistes ou tout à fait optimistes là ou un narrateur un peu moins adroit aurait pu se contenter d’un “et ils vécurent heureux” ou “et ils moururent dans d’atroces souffrances”. Et pour ne rien gâcher, le dessin est très joli, tout en détail.
Believers (1-2/2)
Celui-là est un titre que j’avais envie de lire depuis longtemps, suite à un article d’Aniki il y a quelques années de ça. Je pourrais difficilement faire mieux que lui, et je n’en ai de toutes façon pas l’intention, donc allez lire ça et qu’on en parle plus.
Non ? Ok, quelques mots alors. Believers est un manga de Naoki Yamamoto sur une bande de tarés qui vivent sur une île déserte dans le cadre d’une expérience pour la secte du smiley. Ils passent leurs journées à “travailler pour leurs compatriotes” sur leurs ordinateurs (une île déserte avec le Net, wouhou) et à partager leurs rêves qu’ils notent dans des carnets, pour se purifier de la corruption du monde moderne et monter les rangs de “l’organisation”.
Évidement, c’est la vraie vie, pas le pays des Bisounours, l’utopie de notre petit groupe sera vite menacée. Un à un, ils seront rattrapés par leur passé et leurs fantasmes. L‘“opérateur”, succombera à ses pulsions, suivi peu après par la “vice-présidente” et sous peu ces deux là passeront leurs journées à s’envoyer en l’air. Le “président” subira le même sort mais tentera lui de les affronter et sombrera progressivement dans la folie.
Les yeux dans ce manga m’ont rapidement marqué. Dans un style graphique qui détaille rarement tous les traits du visage, cette partie de l’anatomie est traditionnellement très importante pour retranscrire les émotions du personnage. Et là, je ne sais pas si je pourrais trouver un meilleur exemple d’yeux reflétant aussi bien l’état de décrépitude avancée des membres du groupe. On croirait une fenêtre ouverte sur leur esprit mort, complètement lavé par les slogans de leur secte. “La réflexion est l’ennemie.”
Je vais pas m’enliser dans une analyse du contenu, je me contenterai de dire que j’ai bien aimé la façon dont l’auteur parle des thèmes abordés, notamment les sectes et l’isolement. Une petite note aussi pour préciser que certaines scènes frisent la pornographie. Éviter de filer ça à votre petite sœur. Mais je pense pas qu’elle s’intéresse trop au sujet de ce manga de toutes façon.
Et allez donc lire cet article.
King of Wolves / Japan (1/1, 1/1)
Je met ces deux là dans le même sac, étant donné qu’ils sont très similaires. Tous deux sont tirés d’une collaboration avec Kentaro Miura au dessin et Buronson au script. Oui, vous avez bien lu, il s’agit des auteurs de, respectivement, Berserk et Ken le survivant. Deux des mangas les plus emblématique du seinen violent, dont la réputation pour le sang, la sueur, les culturistes et les sales gueules n’a pas d’égale. Dont les héros sont des hommes, des vrais xD Et que se passe-t-il quand on mélange les deux ? Je peux déjà voir les détracteurs s’enfuir en hurlant, les fans s’agenouiller et prier.
Et bien non, pas d’explosion thermonucléaire, le résultat n’a en fait rien d’exceptionnel. On reconnaît tout de suite le style de Miura au dessin, et celui de Buronson transparaît également au travers des déserts isolés qui ne seront pas sans rappeler l’univers post-apocalyptique de Ken. Les histoires ont des thématiques similaires, toutes deux parlent de voyages dans le temps, de la façon dont nos contemporains s’adaptent à leur nouveau monde sans merci.
Pour King of wolves, ça s’arrête là, pas de subtilité cachée. Japan tente de pousser les choses plus loin en soulevant quelques questions sur la direction que prend notre monde actuel, esclave de l’économie et de la croissance. Vers quel futur la route déshumanisée de la loi du marche et de l’égoïsme nous menera-t-elle, et sommes-nous prêts à assumer la responsabilité de nos choix ? Ça ne va toutefois pas très loin, les auteurs étant visiblement plus préoccupés par la conclusion de leur courte intrigue pas très originale que par le passage d’un message quelconque. Pas de surprise, c’est pas forcement évident d’équilibrer ce genre de choses en un volume.
A Revolutionist In The Afternoon (1/1)
Ce manga présente six histoires complètement indépendantes les unes des autres et tient plus de la compilation de one-shots qu’autre chose. Le titre donne quand même la couleur, toutes suivront des personnages qui d’une façon ou d’une autre se placent contre un ordre établi. Pas de mauvais raccourci “fuck the system, no future”, c’est parfois bien plus subtil que ça.
Les deux premières sont sûrement les plus emblématiques, présentant des régimes totalitaires très similaires à l’URSS et deux points de vue, d’abord celui des opposants et ensuite celui d’un fonctionnaire. On vire ensuite dans un trip surréaliste avec un meurtrier en cavale qui survit dans le désert en buvant la pisse d’une “sorcière” muette et folle qui se balade nue sous le soleil de plomb et se nourrit en déterrant des vers du sable. Oui, c’est aussi space que ça en a l’air.
Retour sur terre, enfin, si on peut dire, avec un vampire qui cherche désespérément un travail adapté. Le malheureux à en effet une personnalité tout ce qu’il y a de plus banal et se retrouve en permanence face au vieux cliché des vampires assoiffés de sang et de carnages, aussi bien sur sa vie professionnelle qu’affective (le pauvre n’a l’air d’attirer que des loligoths, pas de chance). Pour terminer, le dernier chapitre nous entraîne dans le Japon féodal et les suites d’une bataille, qui rappellera quelques souvenirs aux fans de Vagabond.
Ce que je retiendrais de tout ça, c’est le trait très agréable de Jiro Matsumoto et une bonne maîtrise de la narration. Les histoires ne tiennent que sur un chapitre et sont pourtant complètes, bien développées et l’auteur se paie même le luxe d’en terminer certaines sur un twist. Certains récits se distinguent plus que d’autres, j’ai plus apprécié le premier et la quatrième dont la fin apporte la cerise sur le gâteau, en pointant distraitement le doigt sur certains aspects du personnage qui étaient jusque là suggérés.
Jisatsu Circle (1/1)
Et on termine la descente dans le morbide avec Suicide Club. Ce manga est tiré d’un film du même nom, dont je n’avais jamais entendu parler mais que je vais à présent m’empresser de voir. Cette version du récit serait très différente de son inspiration, ne reprenant presque que la scène d’ouverture, elle devrait donc garder un certain intérêt même pour ceux qui auraient déjà vu le film. Et vice versa.
Le titre parle de lui-même, on aborde les clubs de suicidaires qui se rassemblent pour se tuer en groupe. Le manga s’ouvre d’ailleurs sur cette scène du film, où cinquante-trois lycéennes se jettent sous un train. Et continue sur sa propre histoire, en ajoutant une survivante qu’on suivra pour la suite des évènements. Loin d’être dégoûtée de l’acte, cette dernière continue à repousser son amie d’enfance pour reprendre le flambeau en fondant un nouveau club. Mais avons-nous vraiment affaire à de simples adolescents en crise personnelle ? L’histoire gagne en ampleur à mesure qu’on en apprend plus sur celle qui dirigeait le précédent groupe de suicidaires.
Après un début très terre à terre, le manga vire progressivement vers l’horreur. L’auteur contrôle bien son récit et fait monter petit à petit la tension en distillant les indices au compte-gouttes et en utilisant beaucoup l’implicite. Qui est vraiment Mitsuko ? Qui était cette fille dans le train ? Et qu’en est-il de ce forum accessible uniquement après minuit (Jigoku Tsuuchin !) ? Le manga se termine en queue de poisson et laisse la suite à l’imagination du lecteur. Bref, pas prétentieux, solide, intéressant, court. À lire.