Un peu moins de deux ans après le reboot réussi à coup de météore d’A Realm Reborn, Heavensward est venu gracier Final Fantasy XIV de sa première extension pour emmener les guerriers de la lumière vers de nouveaux cieux plus ou moins cléments, et des nouvelles batailles toujours plus épiques. Encore deux ans après, alors que l’extension touche aujourd’hui à sa fin et que la nouvelle pointe le bout de son nez, cet article se veut une rétrospective pour évaluer l’expérience, pour le meilleur… et pour le pire.
Scénario et thématiques
La première chose qui marque avec Heavensward, c’est la force de sa thématique. De par sa focalisation sur Ishgard, l’extension abandonne la diversité propre à A Realm Reborn, et se concentre à la place sur deux types d’environnements, des montagnes plus ou moins enneigées et des îles flottantes en haute altitude. Les divers camps émaillant le paysage sont plus réduits, moins humains, moins élaborés, en particulier à mesure qu’on s’enfonce dans Dravania, pour une beauté d’ensemble aussi froide que sauvage. Au milieu de cette nature indomptable, la ville fortifiée d’Ishgard renforce d’autant plus le contraste et l’image même de son isolement avec son architecture médiévale gothique ronflante, sa société féodale rigide dont le raffinement des manières n’a d’égal que l’absurdité des traditions.
Les coutumes et la bigoterie résideront justement au cœur de l’histoire, la thématique scénaristique centrale étant la fameuse Dragonsong War faisant rage depuis plus de mille ans entre ishgardais et dravaniens, chevaliers et dragons. Cet axe central se verra complété d’un soupçon de mythe arthurien très à propos, sans oublier le quota d’intervention des garlemaldais et asciens jamais à court de conquêtes et manipulations pour changer le monde. On avait beaucoup reproché à ARR son vide ambiant et l’abus de quêtes de remplissage. Au moins sur ce point un réel progrès apparaît avec une épopée moins soporifique, qui sans complètement tourner le dos à ses vieux démons se permet au moins d’en minimiser le rébarbatif, si on oublie le malheureux épisode des moogles. Le niveau d’écriture n’est pas en reste et continue sur le niveau qui avait rendu les dernières mises à jour d’ARR plaisantes, avec des rebondissements moins espacés, moins de manichéisme, mais aussi des personnages plus intrigants, ambiguës, mieux étoffés, rattrapant au passage quelques accidents de parcours comme Alphinaud. Le seul reproche que je leur apporterais serait la conclusion décevante de l’arc d’Ul’dah commencé dans les mises à jour ARR. Ceux ayant encore Castrum et Praetorium en travers de la gorge seront sans doute rassurés d’apprendre que le raté du final de l’époque n’a pas été reconduit, avec des cinématiques essentiellement hors instance et un boss isolé à part. L’épilogue de l’épopée 3.0 ne marque pas la fin de l’histoire pour autant, et le fil continuera quelques temps dans les mises à jour subséquentes, offrant une conclusion satisfaisante à la Dragonsong War avant de dévier rapidement sur un aparté un peu vite expédié et de préparer la future extension en cultivant les jeunes pousses de la trame d’Ala Mhigo, déjà semées de longue date.
Au niveau des intrigues secondaires, Alexander prend une place de choix et se permet un développement plus conséquent que son alter-égo A Realm Reborn, étant assuré de toucher une cible autrement plus vaste de par l’existence de son mode facile. Et c’est de ce fait d’autant plus regrettable que Gordias soit très mal parti avec une histoire trop sérieuse, brouillonne et ennuyeuse, des protagonistes fades et un antagoniste incompréhensible. Midas remonte un peu la barre avec une thématique sentai/Transformer rafraîchissante à défaut de faire beaucoup plus de sens, et le Créateur offre un final qui sera tout de même convenable, faute d’égaler l’épique de Bahamut. Comme sur beaucoup d’autres aspects de cette extension, on sent que les scénaristes se sont perdus en route à sortir de leur zone de confort et ont éprouvé des difficultés à trouver le bon ton avec des gobelins impossibles à traiter comme Allag et les dragons méracydiens ont pu l’être avant. Mais comme pour ces autres défauts, ils auront malgré tout réussi à s’en émanciper.
Le raid de rattrapage à 24 est toujours au programme et offre une trame centrée sur Mhach, toute aussi régulière qu’Alexander mais un peu plus ramassée en raison de l’unique instance par patch qui interdit l’abus de cinématiques. Ce qui se révèle en fin de compte tout à son avantage, permettant ainsi une narration à la fois simple et épique, étoffant au passage un sujet à peine effleuré jusque là par les quêtes de mage noir/blanc et la cité perdue d’Amdapor. Une autre source d’aventure régulière sera la Triade guerrière, qui accorde une continuité au légat impérial Regula van Hydrus en plus d’un hommage à Final Fantasy VI. Un récit pas déplaisant, mais au traitement superficiel, peu développé en dehors d’un interlude narratif entre Sephirot et Sophia, et dont le dénouement avec Zurvan tombe comme un cheveu sur la soupe. Hildibrand subsiste tant bien que mal, constant dans la bouffonnerie, mais commence à montrer son âge à continuellement exploiter les mêmes gags après quatre ans. Il serait toutefois injuste de ne pas préciser qu’il a subit une réduction en échelle, les développeurs ayant admis avoir vu un peu trop grand par le passé, sans parler de son retour anticipé au chausse-pied à la demande très insistante des joueurs. Enfin, on pourra noter une tentative de feuilleton scolaire au sein d’un clergé ishgardais en crise de conscience, qui se laissera suivre même si un peu quelconque.
Nouveaux jobs
Pour rappel, Final Fantasy XIV est un MMORPG en temps réel basé sur la sainte trinité tank/soin/DPS et un système dit tab-target où on sélectionne une cible pour ensuite lui lancer une de ses nombreuses compétences (environ une trentaine par job). Le premier plan de complexité de ce système est personnel, à savoir lancer les bonnes compétences au bon moment, connaître les subtilités de son job et de son rôle, éviter les attaques de zone télégraphiées et répondre correctement à une situation adverse, en particulier les nombreux debuffs. Le second est plus axé vers le groupe, savoir se positionner vis à vis des autres, entretenir une synergie de buffs et plus généralement élaborer et appliquer une stratégie de groupe. Dans le cadre du PvE, il faudra rajouter une part non négligeable de mémorisation de combats largement scriptés et en PvP une capacité d’adaptation rapide. Heavensward ne change rien à ces grandes lignes, se contente d’introduire trois nouveaux jobs et de monter le niveau maximal à 60, avec tout le rééquilibrage et les nouvelles compétences que cela implique.
Côté jobs, le chevalier noir était probablement le plus attendu, et s’est révélé le plus réussi du lot. Son gameplay de tank est orienté vers une gestion des points de magie, ressource jusque là délaissée par les jobs existants dans cette catégorie. Ses PM sont constamment drainés et régulièrement mis à contribution pour un certain nombre de compétences. Un bon chevalier noir devra donc savoir gérer cette problématique, se maintenir à un niveau suffisant pour ne jamais perdre son Côté Obscur tout en les utilisant régulièrement pour se buffer. Sans oublier comme tous les autres tanks, de continuer à gérer l’équilibre entre offense et défense, sa barre de vie et ses points de techniques toujours très sollicités pour les attaques physiques. Le chevalier noir n’est pas une classe simple à maîtriser, demande une rigueur sur les rotations proches d’un DPS pour vraiment briller, mais a réussi à se tailler une place dans les groupes de part une bonne défense magique et un excellent rapport offense/défense dans le rôle de tank principal.
Sans avoir le même niveau de hype, l’astromancien était également très attendu, et sans pour autant prétendre à un ratage complet, a déçu au lancement. Ce rôle de soin se veut polyvalent avec un système de secte diurne ou nocturne pour changer d’orientation selon les circonstances, soin direct par régénération ou boucliers, reprenant donc selon le cas des concepts du mage blanc ou de l’érudit. Quelques buffs d’assistance hérités de la magie temporelle et un système de cartes aléatoires pour buffer le groupe vient panacher le tout. Au delà d’un aspect visuel très réussi, en particulier la robe emblématique qui a littéralement laissé des étoiles dans les yeux de beaucoup, l’astromancien est donc une classe peu portée à l’inactivité, qui doit savoir équilibrer offense et défense comme tout bon soin tout en gérant le potentiel des cartes, qui peuvent devenir assez élaborées dans les groupes à huit. Si les bases étaient saines et le job valide jusqu’à un niveau de jeu moyen, il a toutefois souffert à haut niveau de soucis d’équilibrage qui l’ont poursuivi jusque tard dans l’extension.
Après ces deux poids lourds, le machiniste tient presque lieu de l’anecdote. Le DPS du lot, il part chasser le rôle de pseudo-soutien jusque là réservé aux bardes. Sa particularité principale est une tourelle qui fonctionne comme un familier léger, et peut au besoin régénérer les PM ou PT en sacrifiant temporairement sa capacité offensive. Pour le combat à proprement parler, il fonctionne sur la base d’un unique combo 1-2-3 dont chaque composant a une chance de proc pour supprimer le temps de cast du suivant. Un système de munitions permet de forcer ces procs, tout le jeu sera donc de gérer ses balles pour se libérer des temps de cast pour gagner en mobilité et intégrer les nombreux buffs dans sa rotation, en particulier « Flambée » dont le timing sera critique pour infliger des dégâts satisfaisants. Outre l’absence de hype initiale, l’aspect aléatoire impossible à supprimer et le niveau de jeu nécessaire pour arriver à une performance intéressante en jonglant correctement avec les buffs a fait du machiniste un certain bide au lancement. L’équilibrage en sa faveur a mené la communauté à en faire un job très demandé, mais toujours le moins joué à l’heure actuelle.
Anciens jobs, équilibrage général
Les anciens jobs ne sont pas en reste, et Heavensward leur a tous apportés cinq nouvelles compétences. On notera qu’elles sont toutes attachées aux jobs uniquement, ce qui pousse définitivement les classes aux oubliettes de l’histoire.
Dans les grandes lignes, il ressort une certaine tendance à préserver le statu quo au niveau des tanks et des soins, ainsi qu’une pandémie incontrôlable des buffs chronométrés à maintenir sur les jobs de DPS. Le premier point aura un impact significatif sur l’équilibrage haut niveau qui ne sera jamais vraiment réglé tout le long de l’extension. Jusqu’au bout, le paladin souffrira d’un kit incomplet et de faiblesses défensives comme offensives qui le placeront dans une position défavorable vis à vis du chevalier noir, ce dernier ayant repris le flambeau du tank principal de référence, et d’un guerrier irremplaçable en tank de soutien. L’astromancien a aussi mal commencé avec un côté touche-à-tout insuffisant pour concurrencer les forces établies, en particulier l’érudit irremplaçable en soin de support et en protection de groupe. Contrairement aux tanks, cet état de fait va évoluer à l’avantage de l’astromancien, mais au détriment du mage blanc, ce qui laisse encore bien à désirer pour espérer une situation stable.
Côté DPS, on relève également des problèmes d’équilibrage, mais beaucoup plus vite réglés. Le barde et le machiniste ont bénéficié d’un coup de pouce significatif pour les rendre plus désirables. Le moine est resté dans la poussière des autres classes suite à un manque de synergie de groupe, ce qui ne l’empêche pas de rester meilleur DPS individuel du jeu. Au final, le point le plus problématique avec le rôle de damage dealer sur l’extension fut la montée en complexité pour uniformiser la difficulté de jeu par le haut qui s’est faite avec plus ou moins de bonheur selon la classe. Certaines comme le moine ou l’invocateur s’en sont très bien sorties avec un kit peu modifié ou très bien retravaillé pour fondre naturellement dans l’existant. D’autres comme le mage noir ont été très disruptifs au point de devoir quasiment réapprendre le job, sans parler de rendre difficile une classe facile, ce qui n’a pas fait plaisir à tout le monde.
Un peu à part en tant qu’unique job significativement nerfé sur le plan mécanique, le barde tient plus de l’aveu d’échec qu’autre chose, témoin de l’incapacité de l’équipe à équilibrer un DPS distant et mobile. Si le rôle de DPS de soutien n’en a pas pâti dans les grandes lignes, associé à la difficulté du machiniste, ce raté aura tout de même provoqué une certaine pénurie dans la population exigeante sur le plan des performances, qui s’est réduite à peau de chagrin
On peut toutefois tempérer ces constatations en rappelant qu’elles n’ont touché que les défis et raids de plus haut niveau, l’élite des joueurs hardcore. Beaucoup ont continué à jouer des jobs en défaveur pendant ces deux années sans que cela n’impacte significativement leur quotidien.
Monde ouvert et donjons
Les systèmes c’est bien joli, mais où est-ce qu’on les exploite pendant deux ans ? Outre le scénario principal déjà mentionné et au final assez anecdotique pour ceux comptant s’établir sur la durée, Heavensward c’est surtout neuf zones ouvertes dont trois urbaines, cinq donjons de leveling, treize donjons HL, sept boss chacun disponible en deux variantes (normal et difficile). Les raids se déclinent sur deux séries, celle des patchs pairs qui cumule douze étages pour groupes complets disponibles en normal et très difficile, et celle des patchs impairs qui assure juste un rôle de rattrapage, condensée en trois grosses instances en alliance (24 joueurs).
Le monde ouvert reste égal à lui-même. Malgré les promesses des développeurs d’en monter la difficulté, les mobs basiques qui l’occupent servent surtout de nuisance pour les nouveaux joueurs et les récolteurs. Une fois arrivé au cap, les seuls activités qui y restent sont toujours la récolte, la chasse, le carnet d’exploration et les cartes au trésor. L’ajout du vol change peu de choses à cet état de fait, et à tout prendre, rend les déplacements encore plus mécaniques en permettant de pointer dans une direction et lancer la course automatique sans peur d’être attaqué en route ou de devoir manœuvrer autour d’obstacles. S’émanciper du plancher des vaches est toutefois une activité en soit qui demandera déjà d’avoir exploré la majeure partie de la zone.
Les donjons n’évoluent pas en termes de positionnement, restent du contenu pensé pour être joué en boucle dans le cadre d’un grinding d’expérience ou de monnaie HL (tomes). Tous peuvent prétendre à une qualité honnête sur l’agencement, les mécaniques et les assets. Certains, comme l’Aire, la Voûte, le laboratoire de magismologie ou l’Antitour profitent d’un contexte scénaristique ou d’une ambiance réussie qui feront leur effet la première fois. Mais aucun ne résiste à la force de l’habitude qui rendra fatalement toutes ces instances fades après quelques passages, une bête corvée à traverser pour accomplir des objectifs journaliers difficilement esquivables. Et par extension, aucun ne propose un challenge significatif, dans le but compréhensible d’éviter la multiplication des accidents d’instance sur du contenu pensé pour être effectué tous les jours.
Défis
Fort heureusement, la soupe s’arrête là et les défis offrent déjà beaucoup plus aux joueurs. Sur le plan de la présentation déjà, avec un design plus recherché et un thème musical unique qui mettent en valeur les forces des équipes artistiques du jeu. Ensuite pour leur complexité mécanique nettement plus relevée, qui permet d’élaborer au delà du simple « évitez les zones oranges » pour demander en plus une étude du positionnement et une cohésion de groupe.
Si la différence reste mineure dans le cadre des versions normales, qui existent plus à des fins scénaristiques et pour présenter la rencontre, les versions extrêmes sont une autre paire de manche qui s’ancrent fermement dans le domaine du contenu midcore et sont, généralement, le premier contenu exigeant qui demandera aux joueurs un niveau de jeu acceptable.
En termes de qualité individuelle des instances, le résultat varie, mais jamais au point de les miner sérieusement. Bismark souffre de mécaniques un peu étranges, Zurvan d’un problème d’équilibrage avec des piqués mal pensés. Ravanna, Sophia, Sephirot et la dernière avancée de la foi remplissent leur contrat très honnêtement et laisseront un bon souvenir. Le réacteur de singularité est le seul vraiment hors catégorie avec son équilibrage au niveau d’un raid avancé, qui s’explique par une tentative de compensation pour les gros problèmes du vrai raid de l’époque.
Raids
Le raid, justement, aura été de loin le principal soucis de cette extension. Équilibré comme le cœur du jeu haut niveau, son importance est cruciale à la vitalité de la communauté HL. Il cristallise le challenge autour duquel vont se solidifier les ambitions à long terme des joueurs en quête de contenu hardcore et représente la raison pour beaucoup de se connecter régulièrement pour tenter leur chance. Et celui proposé à la sortie, Alexander Gordias, n’était ni plus ni moins qu’une catastrophe, dû en particulier à des rencontres aux mécaniques plates trop dépendantes de gros chiffres en dehors du troisième étage et une courbe de difficulté inadéquate qui douchera les ambitions de beaucoup. Si la communauté est partiellement responsable de ce désastre en ayant demandé ce contenu trop difficile pour beaucoup suite à un abîme de Bahamut tombé trop vite par les meilleurs joueurs, Gordias a aussi mis en valeur un manque de souplesse des développeurs qui ont joué la montre, en espérant que quelques carottes comme de l’équipement légèrement supérieur suffiraient à surmonter les difficultés de leurs erreurs d’équilibrage. Ils ont de ce fait entériné le verdict sans appel d’une communauté HL durablement mutilée qui mettra plus d’un an à se remettre des diverses désaffections de joueurs et dissolutions d’équipes fixes.
Il aura fallu sept mois d’attente pour une solution durable, incarnée par le patch 3.2 et Midas. Plus inventif, mieux équilibré, il rend enfin des perspectives aux joueurs en dehors du 95e centile avec des étages mieux échelonnés pour terminer au point d’orgue de Brute Justice qui, toujours difficile sans être ridicule, restera sûrement dans les mémoires comme a pu l’être le T9 à l’époque de Bahamut. La 3.4 et la dernière aile d’Alexander (le Créateur) confirme cette tendance avec un équilibrage similaire et un niveau de difficulté encore un peu plus laxiste qui permit à la communauté HL de terminer sa convalescence.
À côté du raid HL central, le raid facile centré sur Mhach a été beaucoup moins polémique, même si on peut lui reconnaître d’avoir essayé en montant légèrement la difficulté sur ses deux derniers segments qui ont de ce fait provoqué pas mal d’accidents d’instances jamais finies par manque de cohésion du groupe.
PvP et autres contenus divers
Pendant ce temps, le PvP a vécu sa vie, isolé des autres préoccupations par la synchro d’ilvl très basse qui permet à peu près à n’importe qui de s’y lancer dès le niveau 60. Du côté du front (24 vs 24 vs 24), deux cartes ont été implémentées avec des nouveaux objectifs, qui sans révolutionner la formule ont permis de maintenir l’intérêt, en particulier sur les fins de patchs impairs où les joueurs cherchent à se changer les idées de leurs expériences PvE éculées.
À une échelle plus petite en 8 vs 8 et 4 vs 4, The Feast a pris le relais de l’expérience initiale de la 2.1 (renommée pour l’occasion The Fold) pour proposer un mode de jeu plus technique et compétitif. Cette recherche de compétition a été poussée assez loin avec un classement par groupe de serveurs, des saisons régulières récompensant ceux en tête de ces listes, un mode spectateur et même des compétitions commentées lors de certains événements publics, dans le plus pur style esport. Un système de duel 1 vs 1 non-instancié a également été implémenté directement dans l’antre des loups.
Sur le plan du contenu plus abordable, on peut rajouter trois tentatives d’innovations au fil des patchs. L’Aquapole à la 3.2 a réussi à faire l’unanimité, en pimentant les chasses au trésor en groupe avec des instances aléatoires sur lesquelles les joueurs n’ont que peu de contrôle, mais qui compensent par une faible pénalité à l’échec, une difficulté très inclusive et des récompenses orienté craft et vanity, désirables sans pour autant être indispensables. Le Palais des Morts à la 3.35 a lui offert une source d’expérience alternative très appréciable, ouverte dès le niveau 17. Ses étages générés procéduralement aux mécaniques tendant vers le dungeon crawler permettent une progression rafraîchissante à défaut d’être élaborée, basée sur un système de leveling parallèle au principal qui permet d’expérimenter très tôt un job sous une forme plus développée, et donc de donner un avant-goût du jeu HL aux intéressés. Une intention louable quand on voit le temps qu’il faut pour y accéder aujourd’hui.
Plus mitigé, le diadème part d’un clin d’œil aux anciens de Final Fantasy XI avec une instance tendance petit monde ouvert, accueillant une dizaine de groupes sans lien qui seront en compétition amicale pour les ressources et le gibier d’une grande zone d’îles volantes. La première itération était plutôt médiocre, n’a pas séparé récolteurs et combattants, lâchait de l’équipement trop puissant, imposait un minimum de cohésion de groupe pour des résultats et demandait du massacre de mobs à la chaîne sans grande variété. Le mélange des populations aux buts incompatibles et la nature fade du contenu a donné un mélange explosif qui ne satisfaisait personne, adopté à contrecœur pour finalement être abandonné quand tout le monde en a eu marre et que les récompenses ont perdu leur intérêt. L’échec était tellement flagrant que le système a fini à la retraite anticipée, du jamais vu jusque là dans ce jeu, pour être retravaillé et relancé au patch 3.5 dans une version plus consensuelle, moins propre aux conflits, mais guère plus intéressante.
Progression globale
À la surprise de personne, derrière quelques innovations de systèmes dans les détails, la progression HL PvE d’Heavensward est une copie conforme de celle d’A Realm Reborn, à savoir verticale, centrée sur de l’équipement de plus en plus puissant obtenu par le biais du raid du moment ou de monnaie HL, tous deux sujets à des limites hebdomadaire pour temporiser la montée en puissance des joueurs. Ces memoquartz s’acquièrent toujours en grindant des instances HL, en particulier la roulette de donjons expert, un objectif quotidien qui sera l’option utilisée par la grande majorité pour des raisons pratiques (meilleur rapport temps/effort/memo). À côté de ça, le raid HL est toujours soumis à des limites de progression qui encouragent la formation d’équipes fixes, avec les avantages et inconvénients que ça implique sur le plan social. Il sera difficile de reprocher à l’équipe de changer une formule éprouvée depuis longtemps par World of Warcraft, on peut tout de même regretter la prévalence d’un système qui pousse beaucoup de gens au burn-out après un temps plus ou moins long.
Si cette progression verticale a toujours l’avantage significatif d’être très ouverte aux 60 tout frais, on peut néanmoins regretter l’impact qu’elle a sur le vieux contenu qui doit s’adapter… ou mourir. Sur ce point, si l’impact de l’extension a été anecdotique sur les donjons ou défis casuals, celui sur les rencontres midcore et hardcore, à savoir le labyrinthe de Bahamut et les défis extrêmes est beaucoup plus significatif. Il est aujourd’hui très compliqué de vivre ces rencontre en dehors du système de désynchronisation qui permet de ramener son niveau 60 et son équipement ilvl270, soit un buff de pas loin de 400-500 % de statistiques pour des rencontres qui n’ont pas été prévues pour. On peut toutefois difficilement reprocher cet état de fait, conséquence de la nature même de MMO où le contenu de groupe vit avec sa communauté et ne peut pas rester pertinent éternellement sous peine d’être complètement abandonné ou de s’empiler jusqu’à devenir une barrière infranchissable à l’entrée.
Un autre reproche notoire de l’extension est paradoxalement son manque d’accessibilité pour les nouveaux arrivants. Si la progression verticale fait son boulot, rendu au niveau 60 et une fois l’histoire terminée, il faudra déjà passer par cette étape, qui se chiffre à présent à des centaines d’heures en commençant par la progression jusqu’au niveau 50, puis la centaine de quêtes d’épopée rendu 50 qui se sont accumulées dans les patchs successifs des deux ans de vie d’A Realm Reborn, pour enfin attaquer la progression jusqu’au niveau 60 d’Heavensward et arriver là où la majorité des joueurs jouent. Pas que le vieux contenu de leveling soit dépeuplé, loin de là, mais le décalage avec le gros de la population peut se révéler frustrant pour qui rejoindrait des amis ou une guilde déjà établie qui vont principalement vivre dans le contenu HL. Ou simplement pour quelqu’un qui rejoindrait le jeu surtout pour le contenu HL et qui considérerait l’histoire comme un aspect plus accessoire, une opinion somme toute respectable au vu de ce que le jeu a à offrir sur ces différents aspects.
Récolte et artisanat
Heavensward a été l’occasion de gros changements de fond sur les classes d’artisanat et de récolte. Le principal, et celui qui aura dégoûté pas mal de joueurs dans un premier temps, est l’implémentation des assignats. Cette nouvelle monnaie rationnée hebdomadairement apporte à cet aspect du jeu une fonction similaire à celle remplie par les mémoquartz allagois pour les classes de combat. Loin d’être une surprise sortie de nulle part, l’idée avait déjà été expérimentée sur la fin d’A Realm Reborn et devait avoir assez plu pour être unifiée dans un craft à deux vitesses, plus lisible. D’un côté une option similaire à l’actuelle, des équipements synthétisés soi-même, demandant une bonne maîtrise du système et le sacrifice rituel d’une montagne de gils à la fois pour l’équipement proprement dit et le sertissage indispensable pour en tirer tout le potentiel. De l’autre une approche plus tranquille, qui ponctionne directement sur les assignats hebdomadaire pour fournir de l’équipement tout fait un cran en dessous des équipements à crafter après sertissage.
En pratique, l’implémentation du système a été une deuxième catastrophe. Pour la première option “difficile”, on commençait dès la récolte avec les faveurs, un système intermédiaire visant à inclure les récolteurs dans le système, mais se traduisant par un gouffre à temps disproportionné. Pour ensuite enchaîner sur des synthèses très risquées de par la rareté des matériaux haute qualité. On dira qu’il pouvait rester l’option “facile”, mais si celle-ci tenait ses promesses en termes d’accessibilité, elle a par contre déçu pour la quantité de temps nécessaire pour atteindre les seuils intéressants et des stats insuffisantes pour utiliser les rotations avancées.
Pour ne rien arranger, les équipements de combat craftés, traditionnellement un des principaux gagne-pain, ont été une vraie douche froide. Peu attirant pour les jobs de combat et basés sur des matériaux hors de prix à base d’assignats, le décalage entre l’effort et la récompense a tué le marché dans l’œuf, ne laissant aux artisans avancés que leurs semblables comme source d’argent.
Assignats rouge à part, Heavensward a également fait pas mal de bruit sur l’ajout d’un système de spécialiste afin de rendre viable les artisans ayant peu de classes montées. L’implémentation a toutefois laissé une impression très mitigée, les outils étaient là et effectivement utiles pour une classe seule, mais trop aléatoires pour avoir le moindre intérêt pour ceux ayant déjà fait l’investissement de monter toutes leurs classes. Les différentes professions étant de toute façon toujours très interdépendantes au niveau des matériaux transformés, le meta n’a pas bougé d’un poil et aucune rotation haut niveau n’a tiré de profit de ce système. Comme de plus les recettes imposant un spécialiste étaient quasi inexistantes au lancement, beaucoup n’ont même pas pris la peine d’en choisir et ont très bien vécu sans.
L’artisanat à son lancement était donc dans une situation précaire qui, ironiquement un peu comme pour le combat, a décimé une certaine classe moyenne de joueurs qui s’y intéressaient de près sans pour autant vouloir y consacrer tout leur temps libre pendant des mois. Comme pour le reste, le suivi à long terme a malgré tout réussi à remonter la pente, d’abord avec une succession de nerfs significatifs sur les faveurs, puis en évacuant purement et simplement les assignats de l’équation du craft “difficile” pour les remplacer par des matériaux identiques aux enduits de la première expérimentation dans ARR. Quand au système de spécialiste, faute de toucher aux actions existantes, une révision l’a tout de même rendu incontournable avec un buff de stats et un verrou de recettes omniprésent sur les dernières nouveautés.
La récolte a été relativement épargnée par ce carnage. Déjà parce que la question de l’équipement se posait moins, faute d’alternative. Ensuite parce que les seuils les plus élevés à atteindre pour les ressources avancées étaient beaucoup plus raisonnables, permettant ainsi d’ouvrir ses horizons bien plus tôt et de réellement choisir entre investissement monétaire et amélioration de l’équipement personnel. Les rotations nécessaires pour les collectionnables et l’etherolyse se sont rapidement diffusées et le quotidien des récolteurs s’est très vite stabilisé sur le rythme de croisière assez monotone qui lui était coutumier.
Visuel et son
Heavensward n’ayant pas touché aux prérequis techniques, le plus petit commun dénominateur continue d’être le support PS3 qui impose une stagnation au moteur déjà élaboré sur A Realm Reborn. La seule évolution concédée sera l’ajout d’un mode DirectX 11 sur Windows, pour un résultat assez peu convaincant. Malgré la communication sur le sujet, l’usage de la tesselation est anecdotique, affectant principalement des surfaces aquatiques où on peut de toute façon rarement marcher. Ce qui se remarque beaucoup plus en revanche, c’est le parallax occlusion mapping permettant de donner un relief procédural au terrain. Qui a été appliqué sommairement, pour un résultat grossier vu de près et un effet secondaire assez gênant d’ondulation ou brillance des surfaces solides concernées suite à certains mouvements de caméra. On pourra rajouter une occlusion ambiante un peu plus élaborée avec HBAO+ sans que ça ne saute véritablement aux yeux, des réflexions sur certaines surfaces comme le marbre qui rendent assez bien en ville et un léger boost des performances graphiques à réglages égaux. Toujours ça de pris. À noter que certaines de ces modifications comme les surfaces réfléchissantes ont fini par être portées sur le client PS4. Aucune amélioration notable n’est observable sur la résolution des textures, qui restent le gros point noir du jeu.
DirectX 11 a également été l’occasion de passer à un exécutable 64-bit, changement qui n’a absolument aucun impact visible à l’heure actuelle, mais dont on suppose qu’il aura le mérite de préparer l’avenir. Suite à un partenariat avec Transgaming, un client MacOS basé sur Cider a été mis à disposition, retiré en catastrophe devant ses performances lamentables, et récemment réintroduit. Même révisé, il reste un cran en dessous de la version Windows à matériel égal, état de fait qui n’a que peu de raison de changer en raison de la présence d’une couche d’émulation DirectX 11. Le support PS4 Pro n’a pas encore été activé à l’heure actuelle, ayant été annoncé pour la prochaine extension.
Artistiquement, Square Enix et l’équipe FFXIV en particulier ne déçoivent pas et continuent à impressionner avec un style à la fois varié et unique. Si on pourra regretter le quasi départ de Akihiko Yoshida qui n’effectue à présent plus qu’un travail emblématique similaire à Amano, il laisse derrière lui une équipe d’une quinzaine d’artistes talentueux tout à fait à même d’assurer la continuité.
De même pour la musique, qui reste peut-être un des points les plus intéressants du jeu. Le départ de Nobuo Uematsu est ici acté depuis bien plus longtemps, n’ayant réellement œuvré que sur la 1.0, mais la présence du maître est toujours appréciée via quelques reprises de ses vieux morceaux et Dragonsong, le thème emblématique de l’extension qui profite une fois de plus de la voix de Suzanne Calloway. La vraie star est toutefois Masayoshi Soken à qui on doit la grande majorité du travail musical et sonore de l’extension. Beaucoup de ces pistes peuvent paraître convenables et un peu oubliables, notamment sur les musiques d’ambiance assez calme de villes et de zones ouvertes externes, mais remplissent tout de même un contrat intéressant, celui de pouvoir être écoutées en boucle pendant des années sans forcément avoir envie de les couper. Les musiques d’instances et en particulier celles des boss souffrent moins de cette problématique, bénéficient de plus de travail et brillent en conséquence par leur dynamisme ou lyrisme, mais aussi par leur variété avec toute une démarche pour coller au style de la rencontre, pour des influences allant des chants grégoriens aux génériques de sentai.
Conclusion
Si Heavensward a réussi à élever le niveau sur des aspects auxiliaires comme la direction artistique, le scénario ou la qualité de vie générale, c’est peu dire que son principal objectif d’extension de MMORPG laissait à désirer au lancement. Illustrant à quel point l’enfer est pavé de bonnes intentions, quelques tentatives d’innovations ratées ont non seulement endommagé la formule du jeu, mais aussi perdu un temps incalculable chez l’équipe de développement comme chez les joueurs. Il serait toutefois réducteur de résumer Heavensward à son lancement, le suivi de Square-Enix ayant réussi son objectif de remettre le jeu sur des rails sains pour un bilan bien plus positif passé le patch 3.2, soit le premier tiers de la durée de vie de l’extension. Bon gré mal gré, Final Fantasy XIV est aujourd’hui au mieux de sa forme depuis son lancement, fort de deux ans de contenus additionnels, d’une bien meilleure finition, d’une équipe à l’écoute et d’une communauté toujours vive malgré les cicatrices. Stormblood pourra bientôt trancher si les bons enseignements auront été tirés de ces déconvenues.